Avant de devenir facteur d’orgues, Théodore Puget a été le représentant pour la région de Toulouse et du sud–ouest d’un instrument intitulé le Milacor (Mille accords)…
C’est peut-être ce démarchage qui lui a donné l’idée de vendre ses propres productions plutôt que celle des autres, d’autant que le Milacor n’a pas grand-chose avec un vrai orgue (si ce n’est son utilisation dans les paroisses – mais les plus modestes qui ne pouvaient s’offrir un orgue).
De cette histoire, notons qu’il y a confusion dans les fiches de l’inventaire : quand nous recherchons “milacor”, nous ne trouvons que trois occurrences qui renvoient à Puget mais qui indique que l’orgue de Saint-Exupère aurait été un Milacor transformé, ce qui est une aberration.
https://www.pop.culture.gouv.fr/search/list?mainSearch=%22Milacor%22
“Cet instrument de la maison Milacor est installé en 1842 par Théodore Puget (alors représentant local de cette manufacture parisienne). Il sera agrandi et modifié en 1866 par Gratien, en 1870 par Emile Poirier, et en 1885 par Puget (adjonction d’un troisième clavier et d’une machine Barker au Grand-orgue).”
Pour comprendre cette histoire, lisons cette page
https://rmcks.pagesperso-orange.fr/orgue/orgues_clergeau/index_abbe_Larroque.htm
Les églises, après la Restauration, cherchent à s’équiper d’orgues mais sans en avoir les moyens. Des inventeurs proposent donc des instruments “simplifiés” : pour les uns, une touche donne un accord, pour d’autres, il y a un système de cylindres (comme des boîtes à musique – vous pouvez voir et écouter un modèle ici https://youtu.be/JRCDtCXzg8c) qui actionnent les tuyaux et peuvent jouer du Bach ; il suffit de tourner la manivelle ! Milacor a été inventé par l’abbé Larroque (il sera accusé de vol de l’invention d’un autre abbé : Cabias).
François Larroque (ou Laroque) est né en 1805 à Nérac, il sera ordonné prêtre en 1828, et dépose deux brevets pour le “Milacor” (ou Mille accords) en 1836 et 1837 il aurait travaillé pour Goujon, Desjardin, été en relation avec Suret, Jungk et s’installe comme facteur d’orgues à Paris.
Le Milacor est souvent livré en kit, prêt à être monté dans un meuble que fait le menuisier local : les tuyaux de façade sont souvent faux, pour donner belle apparence. Comme on le voit dans les photos ci-dessous, le vent est produit manuellement.
Comment cela fonctionne-t-il réellement ? Comment un paroissien pouvait-il aisément accompagner l’office avec des connaissances réduites de la pratique musicale ? Les documentations ne le disent pas : le Milacor est souvent cité, avec éloges, dans les archives du XIXe siècle, mais sans précision. Il faudrait pouvoir en démonter un, l’examiner et ensuite le jouer.
Les photos que nous présentons n’ont pas de rapport avec Puget, si ce n’est que ce Milacor identifié en Haute-Marne dans l’église de Sommevoire a été vu de près par Joël Hauer qui l’a photographié pour nous. L’instrument n’est pas fonctionnel, placé dans le choeur de l’église, lui-même fermé pour cause de mauvais état). Les seules indications retrouvées sont “Don de 1848”.
Pour voir l’instrument, utilisez la galerie : cliquez sur l’une des images.
Cette histoire en dit long sur le rapport entre les églises et la musique en cette première moitié du XIXe siècle. Si beaucoup de paroisses adoptent ces instruments nouveaux aux noms poétiques (Antiphonal, Organista, Harmoniphone, le Symphonista, l’Orgue Simplifié…) d’autres s’équiperont d’harmoniums, instrument phare du XIXe siècle (au passage, rappelons que la maison Puget ne dédaignait pas de vendre des harmoniums de la marque Rodolphe (qui finira associée à l’autre marque Debain comme le prouve l’harmonium du presbytère de Saint-Antonin).